Les lacunes dans le traitement médiatique de l'urgence écologique, mises en évidence par les événements récents, renforcent notre vulnérabilité face aux conséquences sanitaires de cette crise. Les auteurs de cette tribune appellent à une réévaluation de l'approche des médias envers la question climatique, en envisageant plusieurs solutions.
Les médias traversent une crise de leur modèle économique et de leur gouvernance. Le Journal du Dimanche, vient de sortir de six semaines de grève historique pour garantir son indépendance juridique et éditoriale face à l'arrivée de Geoffroy Lejeune à la tête de l'hebdomadaire, l'ancien directeur de Valeurs actuelles . Au-delà des enjeux démocratiques que la concentration des médias soulève, celle-ci a des conséquences sanitaires et environnementales directes, encore trop peu prises en compte dans le débat public.
Durant le seul été 2022, plus de 60.000 décès seraient attribuables aux vagues de chaleur causées par le changement climatique d'origine humaine. Les vagues de chaleur ne sont qu'une des multiples expressions du bouleversement en cours et son bilan humain est d'ores et déjà alarmant. La communauté scientifique mondiale l'affirme, le changement climatique impacte déjà la santé humaine et nous n'en sommes qu'à son balbutiement.
Les multiples crises impactant l'habitabilité des écosystèmes s'accroissent et l'ignorance de notre responsabilité et de nos capacités d'actions perdure. L'indifférence médiatique nationale et internationale règne, malgré le danger du changement climatique. Preuve en est : la COP 15 biodiversités n'a été traitée qu'à hauteur de 0,3 % de l'espace médiatique français. La synthèse du rapport du GIEC, publiée en mars, ne représentait que 0,6 % de l'espace médiatique sur les quatre jours entourant sa publication.
Phénomène de «déni et d'évitement»
Or, les médias sont le principal vecteur d'informations de nos démocraties et d'influence comportementale. Ils ont, en ce sens, une responsabilité centrale sur l'évolution de nos préoccupations, sur l'orientation du débat public et donc sur la résilience de notre société. Seuls 11 % des Français se sentent « tout à fait » informés sur le changement climatique. Plus inquiétant encore, 39 % des Français doutent des conclusions du récent rapport du GIEC .
Le traitement médiatique actuel ne permet pas de comprendre les solutions face à la crise. La gouvernance des médias, et la crise dans laquelle ils progressent, est l'une des explications de ces carences.
Des carences informationnelles sont observées et elles interpellent. Selon une étude suisse publiée en avril dernier, la couverture médiatique actuelle sur le changement climatique est plus susceptible de provoquer le « déni et l'évitement » chez les lecteurs que les « comportements pro environnementaux ». Le traitement médiatique actuel ne permet pas de comprendre les solutions face à la crise. La gouvernance des médias, et la crise dans laquelle ils progressent, est l'une des explications de ces carences.
Citons le manque de formation, d'encadrement par le régulateur ou de transversalité dans les rédactions. Leur concentration accrue, et l'influence idéologique qu'elle entraîne, porte préjudice à la qualité de l'information et la liberté éditoriale de la rédaction. Le droit à l'information environnementale et le droit à vivre dans un environnement sain ne sont pas satisfaits aujourd'hui. Les évolutions médiatiques récentes laissent craindre que ce constat ne s'aggrave. Ces droits sont pourtant inscrits au sein de la Charte de l'Environnement appartenant au bloc de constitutionnalité en France . Un traitement médiatique de faible qualité et quantité sur ces enjeux porte alors atteinte à l'intérêt général.
La presse comme solution
La crise des médias impacte la crise environnementale. Assurer la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias est crucial pour qu'ils aident à résoudre cette crise. C'est désormais un enjeu de santé publique. Nous devons agir pour protéger notre droit à l'information environnementale et exiger son respect. Ignorer ce moyen d'action n'est plus possible. Si le mouvement lancé au sein du Journal du Dimanche prend fin, le combat pour une information indépendante et de qualité ne s'arrêtera pas là. D'autres créneaux de mobilisations existent et l'interpellation citoyenne en sera un. Preuve en est, l'association QuotaClimat et l'Institut Rousseau viennent de publier une proposition de loi citoyenne sur ce sujet.
La crise des médias impacte la crise environnementale. Assurer la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias est crucial pour qu'ils aident à résoudre cette crise.
Depuis mi-juillet, une vingtaine de parlementaires issus de l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale se penchent sur des propositions pour reconnaître le traitement médiatique des enjeux environnementaux comme une priorité nationale. Cette initiative, transpartisane et aux origines citoyennes, doit nous rappeler que l'application concrète de nos droits et de nos libertés n'est jamais acquise et que la coconstruction citoyenne, politique et médiatique fonctionne et doit se poursuivre.
Les signataires :
Anne-Lise Vernières est cofondatrice et coprésidente de QuotaClimat et collaboratrice parlementaire.
Eva Morel est cofondatrice et coprésidente de QuotaClimat et collaboratrice parlementaire.
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