QuotaClimat a organisé, aux côtés d'une cellule composée de +30 experts sectoriels, un décryptage du débat des législatives diffusé par TF1 le mardi 25 juin.
Le débat réunissait les représentants des trois groupes politiques en tête des intentions de vote des élections à venir :
Jordan Bardella, pour le Rassemblement National
Gabriel Attal, pour Ensemble pour la République
Manuel Bompard, pour le Nouveau Front Populaire
Le débat est visionnable en intégralité ici : https://www.youtube.com/watch?v=Pqi3NNIdEaI&ab_channel=TF1INFO
Voici le récapitulatif de leurs observations.
Cellule Économie-finances
Jordan Bardella (RN) a affirmé que la France avait la dette en valeur la plus importante de la zone euro.
À nuancer - La France est bien le pays de la zone euro le plus endetté en valeur, avec une dette publique atteignant plus de 3100 Md€ en 2023. Cependant, ce montant n’a, en soi, pas grand sens car le niveau de dette publique est, par convention, exprimé en % du PIB. La France n’a pas le niveau de dette le plus élevé de la zone euro en % du PIB en 2023. La France a une dette publique de 111% du PIB en 2023, loin derrière l’Italie (137%) et surtout la Grèce (161%). (source : Eurostat)
D’autre part il ne s’agit pas d’un record d’endettement. Si la dette publique a atteint 111% du PIB en 2023, celle-ci atteignait 115% du PIB en 2020 (source : Insee).
Jordan Bardella (RN) a affirmé que 2/3 des actifs de plus de 60 ans étaient sans emplois.
Faux - La majorité des personnes de plus de 60 ans sont à la retraite et ne sont pas donc comptés comme actifs sur le marché du travail. Parmi ceux qui restent actifs, le taux de chômage est très faible et bien inférieur au taux d’emploi. Le taux d’inactivité (ni emploi, ni retraite, ni chômage) reste élevé, mais ce ne sont donc pas des “actifs” par définition (source : Insee).
Jordan Bardella (RN) a affirmé que 200 000 jeunes français diplômés étaient contraints chaque année de quitter le pays à cause des conditions de vie.
Faux - On compte 270 000 Français qui quittent la France chaque année. Les jeunes de moins de 25 ans constituent 10% des émigrations, soit 27 000 personnes au total. Par ailleurs, les Français émigrent en moyenne moins que leurs voisins européens (source : Direction générale du Trésor).
Manuel Bompard (NFP) a affirmé que “Ces dernières années, les Français ont vu la plus forte baisse de pouvoir d’achat de ces 40 dernières années.”
Doublement faux - Depuis 2014, le pouvoir d’achat dit arbitrable (sur les dépenses non pré-engagées) n’a baissé qu’à une seule reprise, en 2022, de -0.1% par rapport à l’année précédente. Quant au pouvoir d’achat du revenu disponible brut, celui-ci n’a pas connu de baisse depuis 2013 (Source: Insee).
Par ailleurs, la croissance annuelle du pouvoir d’achat par unité de consommation sur le premier quinquennat Macron a été de 0.9%/an, soit plus que sous le quinquennat Hollande (0.1%/an) et Sarkozy (0.2%/an) (Source: OFCE).
Cellule Immigration
Jordan Bardella (RN) a affirmé qu’on avait dépassé tous les records d’immigration depuis que Gabriel Attal est ministre.
À nuancer - Le nombre du titre de séjours délivrés en 2023 est de 323 260 (source : Ministère de l'Intérieur). Ce nombre est en hausse de 1,4% par rapport à 2022 et de 24% par rapport à 2017. Les motifs de délivrance sont toutefois pluriels : 32% des titres de séjours sont accordés à des étudiants, 28% sont accordés pour des raisons familiales, 17% pour des raisons économiques (travailleurs étrangers expatriés, scientifiques etc.), 15% pour des raisons humanitaires et 8% pour des raisons diverses.
Manuel Bompard (NFP) a affirmé que l’immigration rapportait chaque année 10 milliards d’euros par an.
À nuancer - Des travaux de l’OCDE ont montrés que sur la période 2006 - 2018, l’immigration a rapporté en moyenne environ 25 milliards d’euros par an en France. Cependant si l’on prend en compte l’ensemble des dépenses publics mobilisées pour les populations immigrés (éducation, soin, transport, etc.), l’impact total de l’immigration apparaît être globalement neutre pour les finances françaises (source : OCDE).
Jordan Bardella (RN) a affirmé que la France avait atteint des records d’insécurité sans commune mesure.
À nuancer - Si certains indicateurs liés à la délinquance ont effectivement augmenté par rapport à 2017 (+22% d’homicides, +63% de coups et blessures volontaires) d’autres indicateurs ont par ailleurs diminué (-10% des vols contre les personnes, -14% de cambriolages, -12% de destructions et dégradations volontaires) (source : Ministère de l’intérieur - Indicateurs de la délinquance enregistrés par la police nationale et la gendarmerie).
Par ailleurs, 74% de l'augmentation des coups et blessures volontaires entre 2017 et 2023 provient de l'augmentation des violences intrafamiliales. Ces dernières ont augmenté de 110% entre 2017 et 2023.
Jordan Bardella (RN) a affirmé “qu’une grande partie de la violence de rue dans notre pays [était] liée à notre incapacité à maîtriser l’immigration”
Faux - Une étude du centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), organisme placé auprès du Premier ministre, dément le lien entre augmentation de l’immigration et insécurité : « Les immigrés ne sont pas à l’origine d’une augmentation des taux d’infraction dans les pays d’accueil. (…) Le nombre de délits commis dans un pays n’augmente pas à la suite d’une vague migratoire. »
En France, les étrangers représentent environ 8% de la populations, 14% des auteurs d’affaires traitées par la justice et 23% des personnes incarcérées. Il n’est cependant pas possible d’imputer l’origine étrangère des auteurs comme la cause des délits. L’étude du CEPII mentionnent d’autres facteurs comme la surreprésentation des jeunes hommes dans la population immigrée ; la précarité économique qui les touche davantage et, enfin, un « traitement différencié » tout au long de la chaîne pénale, « de la probabilité d’arrestation à celle d’être incarcéré ». (source : CEPII).
Cellule Écologie
Gabriel Attal (Ensemble) a affirmé que la France avait baissé ses émissions de gaz à effet de serre de 6% en 2023.
À nuancer - La France a effectivement baissé ses émissions de gaz à effet de serre de 5,8% en 2023 d'après les mesures du CITEPA (organisme indépendant). Toutefois, au-delà des mesures de transition initiées par le gouvernement, ces résultats s’expliquent pour un tiers par des raisons conjoncturelles (hausse des prix de l’énergie, inflation, et températures hivernales douces d’où une baisse de la consommation de chauffage) (source : Haut conseil pour le climat).
Gabriel Attal (Ensemble) affirme que le budget du Ministère de la Transition Ecologique a augmenté de 8 milliards d’euros entre 2023 et 2024.
À nuancer - Le projet de loi de Finances 2024 accorde une hausse de 7 milliards du budget alloué à la planification écologique (source : Ministère de l’Economie). Cependant, lors des coupes budgétaires initiées par le Ministère de l’économie en début d’année, 2,4 milliards d’euros, soit 9% de ce budget, a été supprimé. (source : FranceInfo).
Jordan Bardella (RN) a justifié la suppression de l’interdiction de vente des véhicules thermiques neufs à horizon 2035 par le prix des véhicules électriques, qui empêcherait les classes populaires d’y accéder.
Faux - Les voitures neuves sont chères et de plus en plus chères, qu'elles soient thermiques ou électriques. Le prix moyen des véhicules neufs, thermiques ou électriques, a augmenté de 7% en 2023 pour atteindre 35 601 € pour les véhicules électriques et 28 268 € pour les moteurs essence. (source : Intelligence Auto - Mai 2024).
En règle générale, les Français achètent à 85 % sur le marché de l'occasion, et à 15 % sur le marché du neuf (source : Ministère de la Transition Écologique) : utiliser l’augmentation des prix du neuf pour décrier l’électrique revient à masquer une tendance qui existe dans le secteur automobile dans son ensemble, et constitue donc un argument fallacieux.
Jordan Bardella (RN) a affirmé que le coût de réparation d’un véhicule électrique était 30% supérieur au coût de réparation d’un véhicule thermique.
Faux - Le coût de réparation d’un véhicule électrique varie entre 15 et 20% supplémentaires pour un véhicule thermique équivalent. Le nombre d’heures facturées est lui très similaire (source : SRA - Sécurité et Réparation Automobile).
Jordan Bardella (RN) a affirmé que les industriels avaient tiré la sonnette d’alarme pour arrêter l’interdiction de la vente des véhicules thermiques neufs prévus pour 2035.
Faux - Les grands industriels ont engagé des investissements massifs pour orienter leurs productions vers le tout électrique en 2035. Ils se prononcent pour la cohérence de la trajectoire pour poursuivre leur cap. (source : déclaration de Carlos Tavarez, PDG Stellantis).
Jordan Bardella (RN) a affirmé que « 25% du temps, les éoliennes tournent à vide donc l’énergie ne se stocke pas et c’est une énergie qu’on est contraint de brader ».
Faux - Une éolienne tourne en moyenne plus de 80 % du temps et possède un facteur de charge (c'est à dire la production électrique réelle récupérée divisée par la production théorique si l’éolienne était constamment au maximum de sa capacité) de 25% (source : OpenData Réseaux Energies). Cependant le facteur de charge ne remet pas en cause la pertinence d’une source de production d’énergie (le facteur de charge du solaire se situe entre 10 et 15%). En matière d’efficacité, une éolienne « rembourse » en 1 an de production l’équivalent de l’énergie « dépensée » pour sa fabrication. Un ordre de grandeur similaire au nucléaire.
Gabriel Attal (Ensemble) a affirmé que les éoliennes installées chaque année sont équivalentes à un réacteur nucléaire supplémentaire.
Faux - En 2023, 1,6 GW de capacité éolienne a été installée (source: RTE). Considérant un facteur de charge de 25%, cela représente une production de 3,1 TWh sur un an.
En comparaison, considérant un réacteur nucléaire d’une puissance de 900 MW avec un facteur de charge de 75% (standard français), la production est de 5,3 TWh sur un an : elle est donc plus importante.